Le droit à la sécurité des femmes : un combat juridique inachevé

Face à la persistance des violences faites aux femmes, le droit peine encore à garantir pleinement leur sécurité. Tour d’horizon des avancées et des lacunes de notre arsenal juridique.

Un cadre légal renforcé mais perfectible

Ces dernières décennies, le législateur a considérablement étoffé les dispositifs de protection des femmes. La loi du 9 juillet 2010 a instauré l’ordonnance de protection, permettant aux victimes d’obtenir rapidement des mesures d’éloignement du conjoint violent. Le délit de harcèlement sexuel a été redéfini en 2012, élargissant son champ d’application. Plus récemment, la loi du 3 août 2018 a renforcé la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, notamment en allongeant les délais de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs.

Malgré ces progrès, des failles subsistent. L’efficacité de l’ordonnance de protection reste limitée par des délais d’obtention trop longs et un manque de moyens pour contrôler son respect. Le viol demeure difficile à caractériser juridiquement, faute d’une définition basée sur l’absence de consentement. Quant au harcèlement de rue, sa répression se heurte à des difficultés probatoires.

Une application du droit encore défaillante

Au-delà des textes, c’est leur mise en œuvre qui pose problème. Le traitement judiciaire des violences conjugales souffre d’un manque de formation des magistrats et d’une insuffisance des moyens d’enquête. Selon une étude de 2019, seules 18% des plaintes pour viol aboutissent à une condamnation. Le parcours judiciaire reste un véritable parcours du combattant pour les victimes, confrontées à des délais excessifs et parfois à une remise en cause de leur parole.

La protection des femmes en danger se heurte également à un manque criant de places d’hébergement d’urgence. En 2019, faute de solution, 75% des demandes d’hébergement de femmes victimes de violences n’ont pu être satisfaites. Cette carence met directement en péril la sécurité de nombreuses femmes contraintes de rester au domicile conjugal.

Vers un droit à la sécurité effectif ?

Face à ces constats, des pistes d’amélioration émergent. La généralisation du bracelet anti-rapprochement, expérimentée depuis 2020, pourrait renforcer l’effectivité des mesures d’éloignement. Le développement de juridictions spécialisées dans les violences conjugales, sur le modèle espagnol, permettrait un traitement plus efficace de ces affaires.

Plus largement, c’est un changement de paradigme qui s’impose. Le droit doit passer d’une logique de protection a posteriori à une véritable prévention des violences. Cela implique de renforcer l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge et de lutter contre les stéréotypes sexistes qui banalisent les violences.

Enfin, la sécurité des femmes ne peut se limiter à la sphère privée. Elle doit s’étendre à l’espace public, au monde du travail et au numérique. Le développement du cyberharcèlement appelle ainsi de nouvelles réponses juridiques, adaptées aux spécificités de ces violences en ligne.

Le droit à la sécurité des femmes reste un chantier inachevé. Si des progrès indéniables ont été accomplis, beaucoup reste à faire pour que ce droit devienne une réalité tangible pour toutes. C’est un enjeu de société majeur qui exige une mobilisation sans faille des pouvoirs publics et de l’ensemble des acteurs judiciaires.